Histoire

Une journée comme une autre vient de s'achever. La nuit tombe doucement sur la ville. Des lumières, artificielles lucioles, commencent à éclairer les rues. Dans un trafic incessant, les voitures se croisent. Comme d'habitude, un embouteillage arrive sur la pointe des pieds. Les étudiants sortent des cours avec l'envie d'aller s'amuser. Des salariés sont encore aux aguets dans les bureaux. Il n'est pas rare que certains d'entre eux ne rentrent pas chez eux avant une heure du matin. Parmi les allées de buildings se trouve une rivière qui coule paisiblement, narguant les habitants toujours pressés. Bien que pour la pause-déjeuner, ils prennent le temps de sortir. De parler. De vivre. Enveloppée par l'obscurité, une autre forme de vie prend forme. Celle-là vit. Ou tue. Une imperceptible accélération et le véhicule glisse en direction de Seongbuk-dong. A l'intérieur, deux individus. L'un est concentré sur la route, les yeux hypnotisés par le bitume. L'autre observe distraitement les voitures passant à leur hauteur. Une musique classique s'invite entre les hommes. Mozart ? Chopin ? Beethoven ? Aucun y prête attention. Chacun dans leur bulle.

L'homme qui détaille ce qui se passe au-dehors, c'est moi. Un brin de fatigue s'est immiscé dans mon esprit. Avoir un chauffeur, une belle maison et être à la tête de quelque chose de très lucratif, n'est pas forcément de tout repos. Vous ne me croyez pas, n'est-ce pas ? Vous avez tort. Surtout que depuis quelques temps, des individus indésirables à mon sens sont apparus. Une nouvelle génération de mafieux qui remontent en cause nos méthodes. Nos activités ont beau être différentes, il s'avère que parfois nous souhaitons faire main basse sur les mêmes quartiers. Ce qui est très contrariant, si vous voulez mon avis. Leur façon de faire est quelque peu cavalière et nos hommes ont déjà eu des démêlés avec eux. Cela ne me réjouit pas. Évidemment. Nous devons affronter ces personnes qui se dressent devant nous durant des affaires. La tranquillité a cessé et soyons honnête, je méprise autant la nouvelle génération que cette dernière nous méprise. Nos points de vue divergent ainsi que nos façons de faire.

Un arrêt. La voiture est immobilisée. Le chauffeur descend et s'empresse d'ouvrir la porte. Son employeur quitte la banquette arrière, l'air fatigué. En réalité, la journée n'est pas finie. Ses yeux parcourent la haute bâtisse qui le toise. Un chef d'entreprise y vit et sa réussite s'exprime ainsi. A plus d'une vingtaine de kilomètres de là, des hommes sont dans la rue et attirent des clients dans un bar sombre. Des filles les saluent, l'air des plus disponibles. Des sourires aguicheurs derrière lesquels se cachent une immense tristesse. Elles n'ont pas le choix sinon les problèmes ne tarderont pas. Une heure plus tard alors que le dîner s'achève, des voitures défilent furieusement dans les rues. Il ne fait pas bon d'être dehors à ce moment-là. Dans un autre quartier, des hommes de main transfèrent des dossiers et des fonds. Une scène quotidienne en somme. Peut-être qu'il y aura des affrontements une fois de plus. Peut-être que les journaux préféreront étouffer ceci pour faire croire à une fausse paix.

Entre nous, tout ça nous arrange. Nous voulons éviter la justice et bien sur des ennuis nettement plus, comment dire, imposants. Assumer nos actes ? Nous le faisons mais personne n'aime avoir la justice à ses trousses.

Ne soyez pas aussi impatient, vous ne savez pas ce qui peut vous arriver dans cette ville. Jamais.